Parent, conjoint, enfant : les personnes handicapées de la vue le sont au même titre que n’importe qui. Derrière ces statuts se cachent des relations, des proches. Nous avons voulu donner la parole à ces proches pour qui le handicap de la vue fait partie du quotidien.
Aujourd’hui retraitée, Bianca a eu deux enfants dont une fille, Christine, aveugle depuis la naissance. Elle revient avec nous sur cette période et témoigne de son expérience de parent.
Nous avons eu la chance d’avoir un premier enfant qui était voyant. Ainsi, nous avions une référence concernant le développement d’un enfant et ses différentes étapes.
Pour Christine, nous avons appris qu’il y avait un problème avec ses yeux au bout de trois mois seulement. Au départ, c’est bien entendu le choc, les questionnements, la peur. Le plus dur fut la période de quelques mois entre le diagnostic et les premiers signes montrant qu’elle se développait normalement.
Lorsque je sortais dans la rue, les gens remarquaient qu’il y avait quelque chose de différent. Les remarques étaient parfois blessantes et nourrissaient la peur et le doute sur l’avenir de cet enfant. Mais une fois que j’ai vu qu’elle faisait des progrès et se développait normalement, je n’ai plus eu aucune crainte et je me suis concentrée sur son éducation pour lui donner toutes les chances d’être indépendante.
Nous avons tout de suite fait le choix de la pousser au maximum, de toujours l’amener vers plus. Non seulement nous ses parents, mais aussi l’ensemble de la famille proche. Tout le monde a joué le jeu et fait l’effort.
Son grand frère n’a jamais exprimé quoi que ce soit de négatif. Il était très présent pour elle ; ils avaient une relation très proche et faisaient beaucoup de choses ensemble.
Un jour, les parents d’un enfant également aveugle sont venus nous voir à la recherche de conseils pour l’éducation de leur fils. Mais c’était difficile, car l’éducation n’est pas forcément transposable d’un enfant à l’autre. Dans ce cas, leur fils avait d’autres problèmes en plus du handicap visuel.
Enfant, lorsque Christine disait : « Je n’y arrive pas », son père lui répondait : « Essaye quand même, tu es autant capable que n’importe qui ! »
Dans le fond, on l’a laissé être très autonome et libre. Nous avions totalement confiance en elle. Elle faisait toujours bien les choses. Si elle disait qu’elle partait et reviendrait seule le soir, nous la laissions faire. Nous lui avons laissé toute liberté. Beaucoup plus qu’à son frère !
J’avais arrêté de travailler pour m’occuper d’elle. Mais finalement, au bout de deux ans, les choses se passant tellement bien, j’ai pu reprendre un poste à 100% sans aucun problème.
A l’école, nous n’avons jamais eu besoin de la pousser ou être derrière elle pour les devoirs : elle était studieuse et facile. Les seules fois ou nous devions l’aider, c’était avec l’apprentissage de l’outil informatique.
Nous faisions beaucoup de marches. Ce n’était là encore pas du tout un problème. Il fallait surtout ralentir Christine qui voulait toujours foncer devant, au prix parfois de quelques frayeurs ! Elle a pu tout faire et nous n’avons jamais dû nous limiter pour elle. Elle a même pu conduire une voiture !
Je ne sais pas si notre manière d’éduquer était meilleure qu’une autre, mais je sais que Christine est aujourd’hui une femme indépendante et je suis fière de qui elle est.
A suivre…
Propos recueillis par Ivan Souza