
A l’occasion de la visite de Coco Bertin, Directeur de notre organisation partenaire au Cameroun, nous l’avons interrogé sur son point de vue et son expérience concernant l’importance du braille.
Penses-tu que le braille est encore important et qu’il a un réel impact ?
J’ai formé de nombreuses personnes au sein du C.J.A.R.C, et je peux constater l’impact du braille dans leur vie. Certains d’entre eux, aujourd’hui journalistes, utilisent le braille pour communiquer et lire leur texte à la radio. Par exemple, lorsqu’ils présentent le journal ou d’autres émissions, vous ne pouvez pas deviner qu’ils lisent en braille. C’est grâce à cela qu’ils sont allés à l’école et qu’ils continuent à travailler.
Certains ont été recrutés dans la fonction publique au Cameroun. Beaucoup sont devenus enseignants. Certains d’entre eux, ayant appris le braille, travaillent aujourd’hui au C.J.A.R.C en tant qu’enseignants de différentes classes et niveaux.
Je peux partager une expérience : un jour, nous avons organisé une sensibilisation dans une église. Il y avait là une jeune fille déficiente visuelle qui venait de perdre la vue et ignorait qu’il existait des possibilités de formation. Elle était complètement perdue. Après notre passage, elle nous a approchés. Elle a appris le Braille, s’est formée, et aujourd’hui, elle travaille au C.J.A.R.C à un poste important.
Cet exemple n’est qu’un parmi tant d’autres. Le Braille est très important, il reste essentiel dans la vie des personnes non-voyantes.
Quelles sont les perspectives pour un enfant aveugle qui ne peut pas apprendre le Braille ?
C’est très difficile, car un enfant non-voyant qui ne peut pas apprendre le braille restera analphabète. Le braille est indispensable pour permettre aux enfants de poursuivre une éducation. Nous commençons à leur enseigner dès leur jeune âge, dès qu’ils arrivent chez nous, à 4, 5 ou 6 ans.
Évidemment, on ne leur donne pas immédiatement une tablette et un poinçon. Il existe des outils pédagogiques adaptés pour leur faire découvrir, de manière ludique, les six points du braille, avec l’objectif de les initier progressivement à son apprentissage.
Cependant, nous rencontrons de nombreuses difficultés au Cameroun. Les outils pour apprendre le braille coûtent cher. Il n’est pas toujours possible pour chaque enfant d’avoir une tablette, un poinçon ou du papier Braille. Parfois, deux enfants doivent partager la même tablette, ce qui limite leur efficacité. Il arrive même que des enfants viennent à l’école avec des tablettes cassées faute de moyens pour les remplacer.
En plus des défis matériels, y a-t-il encore des obstacles liés aux mentalités ?
Oui, malheureusement. Certains parents, à la rentrée scolaire, expédient leur enfant comme un colis. Ils les mettent dans une voiture et demandent au chauffeur de les déposer au C.J.A.R.C. Ces enfants arrivent sans accompagnement parental et sont abandonnés entre nos mains. Puisque nous disposons de dortoirs, nous les hébergeons, mais cela pose des défis logistiques.
Il arrive que nous ne recevions aucune nouvelle des parents. Parfois, nous n’avons même pas les ressources financières pour nourrir ces enfants. Nous, les membres du personnel, sommes souvent contraints de nous cotiser pour subvenir à leurs besoins, car nous refusons de les laisser sans rien.
Certains parents refusent également de payer les frais scolaires de leur enfant non-voyant, bien qu’ils paient pour leurs autres enfants scolarisés dans de grandes écoles. Ils estiment parfois que cela ne vaut pas la peine d’investir dans l’éducation de leur enfant déficient visuel. Cette mentalité reste un grand obstacle à l’inclusion.
Propos recueillis par Ivan Souza