Portrait

Saviez-vous qu’en Suisse, le handicap visuel concerne 7.3% des personnes entre 60 et 79 ans ? Cela représente près de 120’000 personnes 1. Des personnes qui sont dans un âge encore très actif, où les responsabilités sont encore bien présentes et les rêves nombreux. S’occuper de ses petits-enfants, maintenir un niveau de vie décent par un emploi complémentant sa rente, prendre soin de son époux-se ou d’autres personnes, s’engager dans une cause que l’on a à cœur par du bénévolat… Lorsque le handicap visuel vient perturber les projets, et du même coup la vie quotidienne, cela peut engendrer une grande souffrance.

De par les différences interindividuelles, la survenue d’un handicap visuel à l’âge de la retraite est une expérience qui peut se vivre très différemment d’une personne à l’autre. Les ressources, notamment, ne sont pas les mêmes pour tout le monde : contexte et soutien familial, liens sociaux, état de santé, attentes sur soi, etc. sont autant de facteurs qui peuvent influencer la qualité de vie et les capacités d’adaptation lors d’une perte de la vue.

De même, la préexistence de la déficience visuelle joue un rôle majeur : les personnes qui étaient déjà aveugles ou malvoyantes avant l’âge de la retraite disposent le plus souvent d’un meilleur réseau de ressources liées au handicap (elles savent utiliser des moyens auxiliaires et des techniques de gestion du handicap, leur entourage est informé et les soutient), et celui-ci est devenu «ordinaire» ; ainsi, un nouveau « concept de vie » a déjà pu être développé. A l’inverse, il est beaucoup plus difficile aux personnes atteintes de handicap visuel tardif d’entrer dans ces nouvelles compétences. Ces personnes doivent passer par une phase d’acceptation du diagnostic et faire leur chemin concernant les adaptations qu’il implique, se constituer un réseau de ressources et apprendre à se servir efficacement de moyens auxiliaires.

Mais ce qui se révèle souvent autant un frein qu’une source de souffrance profonde, c’est la perception de soi. En effet, suite à une perte de la vue, les perspectives d’avenir sont bouleversées et le renoncement à certains projets ou le besoin d’assistance peuvent faire paraître la vie moins digne d’être vécue. Une perception de soi qui rejette catégoriquement le «handicap» peut amener les personnes concernées à ne réfléchir que tardivement à leur situation et à ne pas aller chercher de soutien auprès de services de consultation spécialisés ou d’organisations d’entraide. C’est ainsi que seulement 2 % des personnes interrogées indiquent avoir fait appel à un service de consultation pour aveugles et malvoyants au cours des cinq dernières années 2.

Le site internet sensus60plus.ch, qui met à disposition des informations utiles, est une ressource bienvenue pour ceux qui passent par là, ou pour leurs proches. De son côté, la MEB propose un service d’écoute, sous la forme d’une ligne téléphonique (+41 21 566 18 24, le vendredi de 17h-19h) ou par courriel (ecoute@mebraille.ch). Une bénévole formée à la relation d’aide est présente pour accompagner et prêter une oreille attentive aux personnes atteintes dans leur vision et à leur entourage.

Accepter la déficience de l’un de nos sens est une expérience douloureuse. L’Ecclésiaste est aussi poétique que réaliste dans sa description de la vieillesse : Quand s’assombrissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles, que les nuages reviennent après la pluie, alors… (Eccl. 12.2). Alors, ne restons pas seul face à cette souffrance. Vous n’êtes pas seul.

Thoma Vuilleumier

1 Cécité, malvoyance et surdicécite: évolution en Suisse (UCBA, St-Gall, 2020)
2 Handicap visuel lié à l’âge : complexité et diversité (UCBA, St-Gall, 2015)