Ali

A la MEB, cela fait quelques années que nous avons le plaisir de connaître Ali. Nous avons eu la chance de le compter parmi les participants du camp de Leysin cet été.  Il a accepté de nous livrer un peu de son parcours de vie et de foi.

Ali est né en 1971 à Alger. A l’âge de 3 ans, on lui diagnostique une tumeur au cerveau. S’en suit alors une opération qui permet d’enlever la tumeur et de lui sauver la vie. Hélas, au cours de l’intervention, le chirurgien touche le nerf optique, lui faisant ainsi perdre la vue de manière permanente.

Les parents d’Ali décident alors de l’envoyer à Paris dans l’espoir de trouver une solution médicale. Mais très vite, il apparait que rien n’est possible. Ses parents décident alors de le confier à un couple d’amis, convaincus qu’il sera mieux pour lui de rester en France. A 4 ans, Ali se retrouve donc sans ses parents et loin de son Algérie natale. La famille qui l’a accueilli, composée d’un père algérien, d’une mère française et de deux filles n’est hélas pas un lieu où règnent l’amour et l’harmonie.

« Je n’étais pas heureux, je ne me suis jamais senti aimé.» Problèmes d’alcoolisme, violences conjugales…Cet environnement, Ali cherchera plusieurs années à le fuir. « Heureusement, j’étais scolarisé en internat dans une école spécialisée », ce qui a permis qu’il passe la semaine loin de cette famille et qu’il continue de se construire dans un cadre plus serein.

Ce n’est qu’à l’âge de 20 ans, suite à un désaccord avec le père de famille, qu’Ali quitte la maison et commence sa vie d’adulte indépendant. « C’était une véritable libération, le fait de vivre seul dans une chambre d’étudiant me paraissait merveilleux en comparaison de la vie dans cette ambiance malsaine.»

A cette époque, il commence à étudier le droit. Il suivra ce cursus pendant 2 ans avant de prendre conscience que ce n’est pas sa voie. C’est à cette période qu’il fait sa première expérience de foi.

« Ma famille d’accueil était très superstitieuse. Suite à des décès survenus à deux reprises le 11 février, cette date était devenue synonyme de malheur et de danger.»

« Un soir du 10 février, je fus pris d’une peur forte et irrationnelle, j’étais persuadé que j’allais mourir le lendemain.» Dans cette angoisse, Ali se met à réciter une prière qu’il avait apprise lors de sa scolarité. « Et alors que je priais, une paix incroyable m’a rempli et m’a redonné du courage.»

Par la suite, il apprend que le 11 février est la fête de Notre Dame de Lourdes et le 1er jour de l’apparition de Marie à Bernadette. Depuis, le 11 février n’est plus associé à quelque chose de pesant et d’oppressant pour Ali, mais à un sentiment de joie et d’espoir.

« Après cette expérience, j’ai cherché sérieusement comment devenir chrétien. » Les témoins de Jéhovah ont bien essayé de partager avec lui, mais Ali n’étais vraiment pas satisfait avec leur concept de non-divinité de Jésus.

« Je me suis tourné vers le Père Côte, un prêtre qui dirigeait un centre de vacances dans le sud de la France ou j’ai passé de nombreux étés. C’était un homme doux et en qui j’avais une grande confiance.»

Ali lui écrit alors une lettre pour savoir comment devenir chrétien ; la réponse reçue est très simple : Trouver une église locale et demander au prêtre la marche à suivre. C’est ce que fait Ali, et c’est ainsi qu’il se fait baptiser à Pâques, en 1993.

« Suite à cela, j’ai reçu la conviction que j’allais devenir prêtre et j’ai commencé une licence canonique en philosophie à l’Institut Catholique, que j’ai obtenue.»

Ali a dans l’idée de rejoindre le Père Perrier, un prêtre aveugle. Toutefois, avec le temps, il sent qu’il n’est pas en paix avec l’idée de devenir prêtre. C’est alors que, suite à un contact avec le père Perrier celui-ci lui dit cette phrase : « L’essentiel c’est de faire connaitre Jésus à tous les hommes, là où nous sommes.» Cette parole résonne pour Ali comme une libération : « J’ai alors compris que je ne deviendrais pas prêtre mais que je pouvais quand même être témoin de Jésus dans mon quotidien.»

Le problème pour Ali est que, bien que libéré, il ne se sent pas plus avancé à propos de ce que pourrait être le plan que Dieu a pour sa vie. Durant ces périodes de doutes, Ali s’attache énormément aux enseignements du Pape Jean-Paul II, qu’il va même trouver à plusieurs reprises lors des Journées mondiales de la jeunesse notamment. « La mort du Pape Jean-Paul II a été un choc pour moi. Avec le recul, je pense que je l’ai vécu comme un abandon. Je me sentais en colère contre Dieu, je ne comprenais pas son silence et l’absence de signes clairs sur ce que devait être ma vocation.» Cette colère a duré 6 ans.

Malgré ces années difficiles, Ali n’a jamais renié sa foi. En 2015 lors d’un pèlerinage à Lourdes il se remémore une prière qui lui avait été donnée dans ce même lieu, 21 ans plus tôt : « Prie pour les enfants mal aimés.» « J’ai soudain compris que cet enfant mal aimé, c’était moi. Cela a calmé cette colère et m’a permis de retrouver la paix. J’ai acquis la certitude que Dieu ne m’a jamais abandonné.»

Aujourd’hui, Ali travaille à la bibliothèque publique d’information du centre Pompidou à Paris, où il y est employé depuis 19 ans. Il estime toujours être en recherche de sa vocation profonde mais comme il le dit lui-même : « Je ne sais toujours pas exactement qu’elle est ma voie et je suis toujours en recherche, mais je vis dans la certitude que Dieu est toujours avec moi.»

 

Propos recueillis par Ivan Souza