Les femmes handicapées de la vue sont particulièrement rejetées de la société. Comme il est extrêmement difficile pour elles de subvenir à leurs besoins, l’ONG Bartimée, notre partenaire au Bénin, les accompagne individuellement.
Lors de son voyage sur place en octobre, Alexandrine Meunier, responsable du secteur Coopération au Développement de la MEB, a eu l’occasion de participer à une séance d’accompagnement. Voici son récit :
La femme handicapée de la vue que nous visitons s’appelle Nadine. Elle a perdu la vue étant adulte. Elle est la maman de quatre enfants : deux garçons déficients visuel comme elle (internes dans une école pour aveugles) et deux filles voyantes. Comme de nombreuses femmes qui ont perdu la vue tardivement, elle n’est pas bien traitée par son mari.
Son accompagnement est réalisé par deux « femmes-leader », elles-mêmes handicapées de la vue, de notre ONG partenaire au Bénin : Estelle et Nadège. Il s’agit de la troisième séance d’accompagnement. Tout se déroule en langue locale, car Nadine ne parle pas français. Les « femmes-leader » adaptent leur accompagnement en fonction des besoins, du caractère et des aptitudes de la femme visitée. Nadine étant une femme battante, elle fait déjà beaucoup de choses pour faire vivre son foyer. Elles lui proposent donc de l’initier à la fabrication du savon liquide, ce qu’elle accepte.
Sa plus jeune fille (2 ans et demi) est présente et son autre fille rentrera de l’école alors que nous serons en fin de rencontre. Il y a aussi de nombreuses autres femmes avec leurs enfants, qui vivent dans la même propriété (dont la maman de Nadine, également déficiente visuelle, confirmant le caractère congénital du handicap). Toutes sont attentives à ce qui se passe.
En temps normal, les séances ont lieu à huis-clos, pour une plus grande intimité permettant à la femme de parler librement. Aujourd’hui fait exception, car nous sommes trop nombreux du fait de ma présence. Mais la visite étant axée sur l’apprentissage de la fabrication du savon liquide, ce n’est pas gênant.
Estelle et Nadège demandent à Nadine de restituer ce qu’elle a retenu des deux visites précédentes. Puis elles procèdent à la fabrication du savon liquide en impliquant Nadine pour lui apprendre les techniques. Elles ont acheté un kit au marché pour 5’000 FCFA[1], comprenant l’ensemble des produits nécessaires (pâte, sel, acide sulfurique, colorant, agent gonflant, etc.). Avec cela, il est possible de confectionner jusqu’à 40 litres de savon liquide en ajoutant de l’eau. Le litre de savon liquide peut être vendu à 500 FCFA environ. Il est conditionné dans des bouteilles en plastique (souvent issues de la récupération). La fabrication dure très longtemps : elles passent plus d’une heure à mélanger la préparation pour rendre la pâte homogène !
Nadine a désormais les connaissances nécessaires pour fabriquer et vendre elle-même du savon liquide. Cela devrait lui permettre de mieux subvenir aux besoins de sa famille.
Alexandrine Meunier
[1] 1 CHF correspond à environ 680 francs CFA