Cela fait plus de 25 ans que la MEB collabore avec des associations de personnes handicapées de la vue au Burkina Faso. L’occasion de porter un regard sur tout le travail accompli au travers d’un entretien avec 2 personnes clés. Boubakar Oueadraogo, coordinateur des projets depuis 20 ans et Lucien Naré, président de l’ASHVB, première association partenaire de la MEB dans le pays.
L’évolution des projets
Boubakar Ouédraogo : « Lorsque j’ai commencé, il y avait 12 ou 14 organisations membres, et maintenant il y en a plus d’une vingtaine. Au départ, les projets étaient centrés sur l’alphabétisation et la formation professionnelle, et un peu la sensibilisation. Mon premier mandat a été de développer l’alphabétisation. L’objectif était de former de nouvelles associations pour pouvoir recevoir des fonds spécialement dédiés. Ce programme contenait une composante de formation professionnelle intégrée.
Par la suite, nous avons renforcé le plaidoyer et la sensibilisation. Nous avons commencé à collaborer avec l’État lors des journées internationales, c’était nouveau. Ce n’est que dans un troisième temps que nous avons développé l’axe éducation. Au début, il y avait un projet, ce qui est aujourd’hui le centre Siloé géré par notre partenaire l’ASHVB. Par la suite, nous avons accompagné quatre autres écoles : Boulsa, Zabré, Zorgho et Tiébélé plus un appui matériel et technique pour Nouna. »
Après plus de 20 ans de travail au Burkina Faso, cela représente des milliers d’enfants et d’adultes handicapés de la vue alphabétisés.
Des vies transformées
Les exemples de l’impact de ce travail de la MEB auprès des personnes handicapées de la vue au Burkina Faso sont nombreux. En voici quelques exemples :
B.O. : « Il y avait un homme aveugle qui avait fini des études de droit, mais il ne trouvait pas de travail et était au chômage depuis longtemps. L’État ne l’engageait pas. Nous avons fait une émission à la télévision et nous avons présenté cet homme en expliquant qu’il était diplômé en droit, mais que l’État ne l’engageait pas. Deux jours après, le ministre l’a appelé et l’a engagé. Tout cela grâce à cette émission. Aujourd’hui, il travaille toujours au ministère et est devenu député à l’Assemblée nationale.
Nous avons mené un projet d’élevage individuel de moutons pour des personnes handicapées de la vue. Chaque bénéficiaire recevait quelques bêtes ainsi qu’une formation à l’élevage. A l’issue du projet, beaucoup de personnes handicapées de la vue ont témoigné qu’elles se sont senties valorisées au sein de leur famille. Leurs parents reconnaissaient leur valeur parce qu’ils avaient des choses qu’eux-mêmes n’ont jamais eues. Certains parents se sont impliqués dans le soin des animaux, et du coup, ils faisaient des choses ensemble.
De plus, ces dernières années, une dizaine de jeunes ont réussi des concours au niveau de l’État pour devenir secrétaires dans la fonction publique. »
Une société transformée
B.O. : « Il y a un changement dans la société. Tout d’abord, les gens savent maintenant que les enfants handicapés de la vue peuvent aller à l’école et apprendre. Aujourd’hui, il y a des parents qui paient pour que les enfants aillent à l’école, ce qui n’était pas le cas il y a 20 ans. La société a pris conscience qu’ils ont du potentiel en termes d’idées et de réflexions. Les personnes handicapées de la vue ont également acquis des connaissances qui ne leur étaient pas accessibles avant. La personne handicapée de la vue est mieux valorisée, avec un meilleur accès à l’information, notamment aux nouvelles technologies. Maintenant, il y a des enfants qui continuent leurs études jusqu’à l’université ».
L’accès à la Parole de Dieu
Au Burkina Faso, la MEB a joué un rôle crucial dans la promotion de l’accès des personnes handicapées de la vue à la Parole de Dieu. Tout cela a été rendu possible grâce à la rencontre avec un homme particulier : Lucien Naré.
Lucien Naré : « En 1987, j’ai reçu la Bible en braille de la part de la MEB. Six ans plus tard, alors que je jeûnais et priais dans l’église, le Seigneur m’a inspiré à créer une structure pour transmettre la Parole de Dieu aux aveugles. Je me suis adressé au directeur de la Ligue pour la lecture de la Bible, le pasteur Nikiéma, pour lui proposer ce projet. Se souvenant de sa rencontre avec la MEB dix ans plus tôt, il a vu en moi l’instrument pour réaliser la mission que la MEB lui avait confiée. Ainsi, en 1995, la Ligue m’a accueilli en tant que collaborateur de la MEB au Burkina Faso.
Initialement, mon travail s’est concentré sur la diffusion de la Parole auprès des personnes handicapées de la vue. Mais un obstacle majeur était l’absence de Bible braille dans la langue locale. C’est alors que j’ai créé l’alphabet braille mooré en 1998, officiellement accepté par l’État en 2000.
Avec le soutien de la MEB, nous avons pu transcrire et imprimer le Nouveau Testament en mooré. Depuis l’année dernière, nous disposons d’ailleurs de la Bible complète. Cela a permis à de nombreuses personnes handicapées de la vue d’étudier la Parole de Dieu et même de suivre des formations pour devenir pasteurs. Ces pasteurs prospèrent et servent en tant que responsables d’église ou pasteurs assistants, tout cela grâce à l’accessibilité de la Parole de Dieu dans leur langue maternelle.
Ce qu’il reste à faire
B.O. : « Là où il y a des progrès à faire, c’est l’emploi. Il ne suffit pas de former, il faut que les compétences soient exploitées, il faut des débouchés à l’issue des formations. La personne handicapée de la vue ne pourra avoir une vraie autonomie que lorsqu’elle aura accès au marché du travail pour subvenir elle-même à ses besoins. »
L.N. : « Le coût élevé de production de la Bible en braille demeure un défi. Nous recherchons encore des moyens pour le réduire et ainsi diffuser plus largement la Parole de Dieu. »
B.O. : « Nous exprimons notre gratitude envers la MEB et tous ceux qui la soutiennent. Sans leur aide, rien de tout cela n’aurait été possible. L’accompagnement des personnes handicapées de la vue est un investissement à long terme, et ce soutien continuera d’être nécessaire à l’avenir. »
Propos recueillis par Ivan Souza